jeudi 4 décembre 2014

Optimiste ou pessimiste ?


Une étude récente, menée à l’université de Sydney (Australie) par le docteur Melissa Starling, a permis de mettre en évidence que les chiens, comme les êtres humains, peuvent être plutôt optimistes, ou plutôt pessimistes. Gros plan.
 
Passionnée par la faune sauvage, le docteur Melissa Starling a d’abord travaillé sur les oiseaux avant de se tourner vers un sujet d’étude plus familier : le chien, son « hobby » depuis sa prime enfance. Dans une vidéo postée sur son compte Twitter, mais aussi dans des articles et sur ses différents sites, la jeune femme explique de quelle manière elle a mené son expérience.
 
Elle a d’abord sélectionné une quarantaine de chiens de toutes races, issus de divers horizons, âgés de plus de 1 an et de moins de 8 ans (pour éviter les biais liés à l’immaturité ou à la sénilité). Certains étaient des chiens de compagnie, d’autres des chiens d’assistance ou de sécurité. Elle les a ensuite conditionnés : à un certain son, les chiens apprenaient à associer une récompense sous forme de lait sans lactose, à un autre son de l’eau, toute simple, et donc guère appétissante. Puis elle leur a donné à entendre un son ambigu, entre les deux sons que les chiens avaient appris à reconnaître. Certains chiens du groupe ont aussitôt pensé qu’il s’agissait du son « lait », d’autres au contraire ont réagi de manière « pessimiste », en imaginant que le son annonçait « juste » de l’eau. Melissa Starling a ainsi pu isoler des chiens « optimistes » d’un côté, et des « pessimistes » de l’autre, des chiens qui, dans le doute, pensent que tout va bien, et d’autres qui, à l’inverse, s’inquiètent pour des broutilles.
 
Les possibles applications d’une telle découverte
 
Melissa Starling explique que les chiens optimistes sont plus enclins à prendre des risques, car ils espèrent toujours que quelque chose de bon va leur arriver. Ils ne sont pas fragiles et peuvent plus facilement dépasser les événements négatifs. A contrario, les chiens pessimistes hésitent à s’engager, ils sont plus frileux, moins entreprenants. La nouveauté les effraye. L’intérêt d’une telle découverte, c’est notamment d’imaginer pouvoir sélectionner certains profils de chiens pour des tâches définies, en quelque sorte confier le bon « job » au bon individu. Ainsi, un chien trop optimiste, donc trop enclin à prendre des risques, peut s’avérer problématique comme chien guide d’aveugle...
 
Aller plus loin…
 
Melissa Starling va plus loin, car elle pense qu’il est également possible d’aider les chiens pessimistes à être plus optimistes. Se pose évidemment la question de l’impact du vécu du chien dans sa « nature » d’optimiste ou de pessimiste. L’on sait par exemple que, chez l’être humain, l’optimisme ou le pessimisme sont influencés par l’état émotionnel de l’individu. Et des études portant notamment sur des rats et des étourneaux ont démontré que les animaux sont plus enclins à l’optimisme lorsqu’ils éprouvent un sentiment positif. Il semblerait que les chiens qui souffrent d’anxiété de séparation, par exemple, soient plus pessimistes que les autres. Tout comme les singes macaques affectés de stéréotypies, donc de stress, eux aussi plus pessimistes que les autres.
 
Mélissa Starling espère que ses travaux permettront de travailler plus précisément sur la personnalité des chiens. De l’étudier et de l’analyser de manière plus objective et plus scientifique. Même si, évidemment, aucun propriétaire de chien lambda n’en doute : Médor a sa propre personnalité, il a de l’allant ou de la réserve, il ose ou reste en retrait, il se réjouit facilement ou, au contraire, a besoin qu’on l’aide parfois à sortir de sa coquille.
 
Marie Perrin
Article à paraître dans la revue suisse «Chien magazine»

 

Une vidéo dans laquelle Melissa Starling parle de son étude et de ses conclusions :
https://www.youtube.com/watch?v=wF8km4rk4GU&feature=youtu.be
Pour voir l'appareil mis au point par Melissa Starling :
https://www.youtube.com/watch?v=KQUnbbbV5Tw
 
 

 

 

jeudi 23 octobre 2014

Mon chien détruit tout à la maison

Votre chien a pris l’habitude de tout détruire à la maison. Vous n’en pouvez plus, et c’est normal. Vos chaussons, la porte d’entrée, le canapé, la poubelle, tout y passe. Mais pourquoi agit-il ainsi ? Tentons de décrypter ses motivations…


Les destructions sont liées à un mal-être de l’animal : par ce biais, il rétablit l’équilibre, s’apaise et se rassure, réduit son niveau de stress. Néanmoins, contrairement aux apparences, toutes les destructions ne sont pas à mettre sur le même plan.

Toutes les destructions ne se valent pas

Ce qu’un chien détruit nous renseigne en effet sur ce qui lui fait souci. Ainsi, certains objets sont chargés des odeurs des êtres d’attachement, comme les chaussons ou les vêtements, tandis que d’autres sont « juste » appétissants, car remplis de bons restes ménagers, comme la poubelle. D’autres enfin font « réaction » : le mur s’effrite quand on le gratte, la tapisserie s’arrache sous les coups de dents et de crocs, ça occupe et c’est rigolo. Quant à la porte d’entrée, c’est par là que l’on entre et que l’on sort, par là que sont partis les maîtres tant-aimés, laissant Médor seul et abandonné… triste et malheureux…

Entre ennui et hyper-attachement

Tout comme les malpropretés ou les vocalisations, les destructions peuvent trouver leur origine dans diverses causes, parfois mêlés et additionnées les unes aux autres. Tout d’abord l’ennui : nos chiens ne savent pas comment occuper leurs journées. Pour leur éviter la neurasthénie, plusieurs possibilités s’offrent à nous : leur donner des jouets spécifiques ou des stimulations mentales, de quoi mâchonner, faire appel aux services d’un promeneur de chien si l’absence doit être trop longue, et, évidemment, permettre au chien de se défouler et de se dépenser avant et après les absences. Tous les individus n’ayant pas le même potentiel spécifique d’activité, chaque maître devra déterminer ce dont son chien a besoin, et s’organiser pour pouvoir lui donner ce qu’il lui faut. Un chien baladé 90 minutes au saut du lit sera plus enclin à se rendormir qu’à chercher une occupation, de préférence incongrue…

Certains chiens n’ont par ailleurs pas appris la solitude. Pour un animal social comme canis lupus familiaris, la solitude n’est pas naturelle. Et certains individus ont plus de mal à l’accepter que d’autres. La présence d’un congénère peut aider à supporter l’absence quotidienne des propriétaires, mais pas forcément. Car parfois, à deux, on peut faire quatre fois plus de bêtises ! Il est également conseillé de changer le rituel autour des départs et des retours, l'idéal étant l'ignorance de l'animal une vingtaine de minutes avant de s'en aller, et une ignorance des éventuelles agitations lorsque l'on rentre (on ne s'intéresse à Médor que quand il s'est calmé, lui signifiant par là que rien de grave ne s'est passé).


Ce problème se complique souvent d’un hyper-attachement : parce qu’ils ne s’en rendent pas compte, ou par culpabilité latente, les propriétaires laissent leur animal « collé » à eux lorsqu’ils sont à la maison : cela part certes d’un bon sentiment (encore que cela se discute), mais renforce le profond malaise du chien. Du tout en présence de ses humains, il passe subitement à un vide abyssal qui lui cause souffrances et angoisses. Ne pas laisser Médor vous suivre partout, avoir des pièces interdites, le laisser en quelque sorte seul même quand vous êtes à la maison, peut aider à ce détachement. De la même façon, il est préconisé d'ignorer les demandes d’interactions de votre chien afin d’en être systématiquement à l’initiative. Enfin, passé les premiers mois de vie en commun, où l’on peut (à mon sens, où l'on doit) garder le chiot à proximité de soi la nuit, il sera sans doute judicieux d’octroyer à Médor un coin à lui où dormir, hors des chambres des humains.

La force des apprentissages…


Il convient par ailleurs de ne pas négliger les apprentissages faits par Médor : si gratter le papier peint lui apporte un grand réconfort, il est fort à parier qu’il reproduira l’expérience. Le renforcement peut venir involontairement des propriétaires, qui lui accordent de l’attention lorsqu’il détruit un objet : Médor sait désormais que cette action lui est bénéfique, il pourra la reproduire ultérieurement, jusqu’à ce qu’elle devienne une habitude rassurante et calmante. Enfin, avoir un chien devrait nous inciter au rangement : une poubelle laissée dans la même pièce qu’un chien lui appartient. C’est aussi simple que ça ! On ne peut pas lui en vouloir de s’être sustenté !

A contrario, une pièce quasiment vide n’incite pas autant à la délinquance canine, surtout si ce vide est compensé par des jouets judicieusement choisis. En restreignant au début l’espace, et en veillant à tout mettre hors de portée des crocs de l’animal, l’on pourra peu à peu le guider sur la voie d’un mieux vivre ensemble. A la place d’apprendre des « mauvais » comportements, le chien intègrera d’autres manières de s’occuper. Et si, malgré toutes ces préconisations, votre Médor adoré continue de saccager votre intérieur en votre absence, c’est que l’aide d’un professionnel est devenue plus qu’urgente !

Marie Perrin

Prochainement sur ce blog : mon chien détruit tout en ma présence…

vendredi 10 octobre 2014

Mon chien chez le véto...


Aller chez le vétérinaire : pas toujours agréable certes, mais pourtant incontournable. Alors comment faire si pour Médor, cela s’apparente à un chemin de croix ?

Anticiper

Dans le monde idéal des comportementalistes canins, la visite chez le vétérinaire serait anticipée par l’éleveur, qui emmènerait ses petits bouts voir le monsieur ou la dame en blouse blanche avant les primo-vaccinations. Et ce, évidemment, afin d’éviter que la toute première consultation (parfois même associée au premier trajet en voiture), ne soit synonyme de peur, de contrainte et de douleur. Comme j’entends déjà hurler les hygiénistes et les phobiques sanitaires, j’ajoute que je parle dans l’idéal des idéaux, dans un monde parfait où tout serait pensé uniquement dans le but d’éviter des troubles comportementaux ou des phobies.

Dans le monde idéal des comportementalistes toujours, les propriétaires poursuivraient ce travail de familiarisation : une fois par semaine, une fois tous les dix jours, ils rendraient visite à leur vétérinaire juste comme ça, pour faire un petit tour, donner des friandises au chiot, lui faire rencontrer et apprécier le praticien et ses assistants, le mettre sur la balance. Le clicker, petit outil magique, permet aussi de conditionner le chien aux actes médicaux les plus courants afin que le jour J, le vétérinaire puisse travailler en pleine collaboration avec l’animal, sans le stresser ni le traumatiser.

Si le chiot ou le chien réagit

Certains chiens, en prenant de l’âge, tolèrent de plus en plus difficilement les manipulations. Surtout lorsqu’elles sont intrusives et engendrent de la douleur – par exemple les vaccins. Nul besoin qu’il s’agisse de douleurs aigues pour que l’animal en garde un mauvais souvenir. L’association faite, l’apprentissage peut être durable. D’autant que certains individus ont un seuil de tolérance plus faible à la douleur et que le stress des autres animaux, dans la salle d’attente, peut « contaminer » jusqu’au chien le plus calme.
On veillera toujours à bien promener l’animal avant, et après le rendez-vous chez le vétérinaire. L’on n’hésitera pas à repartir détendre l’animal en extérieur si l’on voit que l’attente risque de se prolonger (il est toujours possible de s’entendre avec les secrétaires ou avec les ASV). Enfin, en cas de susceptibilité et de réactivité aux manipulations, l’on pourra tenter de désensibiliser l’animal progressivement, par des séances de « papouillo-thérapie », toujours associées à des moments de calme et de plaisir pour l’animal. Pas à pas, sans forcer, sans brusquer. Là encore, le travail au clicker peut faire des miracles.

Si le chiot ou le chien a été traumatisé

Si votre chien freine des quatre pattes en arrivant devant la porte d’entrée du praticien, c’est peut-être qu’il a été traumatisé. Soit par une douleur, soit par une mauvaise action du vétérinaire – une approche trop brutale, une manipulation trop brusque – soit par la panique d’un congénère (cris, odeurs de glandes anales, notamment). Dans ce cas, n’hésitez pas à changer de cabinet et de vétérinaire. Prenez le temps de faire le tour des différents cabinets, afin de voir dans lequel votre chien se sent le plus à l’aise. Cela vaut aussi en anticipation : vous pouvez chercher le vétérinaire le plus adapté à votre chiot (ou chien), et à vous. Evitez les vétérinaires qui veulent à tout prix mettre votre chien sur la table d’examen. Bien sûr, c’est moins confortable pour eux par terre, mais si votre chien est angoissé, il sera nettement mieux sur le sol qu’en hauteur.

Puis reprenez tout depuis le début : emmenez votre chien toutes les semaines chez le vétérinaire, d’abord dans la salle d’attente, puis dans le cabinet, mais sans acte médical. Juste comme ça. Voyez avec votre vétérinaire pour qu’il lui donne quelques friandises, qu’il s’asseye avec vous dans la salle d’attente, pour discuter avec vous et nouer le contact avec votre chien. Prenez un café, détendez-vous, puis repartez. Faites-en un non-événement. Pour les initiés, sortez votre clicker et amusez-vous à la maison à jouer au «docteur des chiens». Et peu à peu, peut-être, Médor se détendra-t-il au point d’envisager sa prochaine visite chez le vétérinaire comme une promenade de santé ! Enfin, si c’est possible, tentez d’opter pour un cabinet qui assure une permanence de nuit et de week-end : c’est en effet infiniment plus confortable, en cas d’urgence, d’avoir affaire à son vétérinaire habituel !

Marie Perrin


mardi 7 octobre 2014

Comportementaliste ou Educateur ?


Dans le langage populaire, et pour la plupart des gens, comportementalisme et éducation se confondent, sont une seule et même discipline. Pourtant, l'on peut être comportementaliste et pas éducateur, éducateur et pas comportementaliste. On peut aussi être comportementaliste et éducateur et, évidemment, ni l'un ni l'autre ! Car en réalité, les deux métiers, s'ils se rejoignent et se complètent, ne visent pas du tout les mêmes buts et ne répondent pas aux mêmes attentes. Décryptage.

A quoi sert le comportementaliste ?

Normalement, le comportementaliste a été formé à l’analyse systémique d’une situation. C’est-à-dire qu’il s’intéresse à la relation entre les différents membres de la famille humains-chiens, le « système ». Appelé lorsqu’un chien présente des troubles du comportement, qu’il s’agisse de destructions, de malpropretés, de conduites agressives ou de vocalisations excessives, le comportementaliste tentera d’en cerner et d’en isoler les causes. Par exemple, pour les malpropretés, il se demandera si celles-ci ont lieu en présence ou en absence des propriétaires, vérifiera si l’animal est suffisamment promené et dépensé, demandera aux maîtres comment ils ont appris la propreté à leur chien, se penchera également sur ses conditions d’élevage et de développement précoce. Par le biais d’un questionnaire le plus précis possible, sorte d’enquête policière, il remontera ainsi aux sources potentielles des troubles.

Ensuite, il mettra en place des stratégies qui passeront par une réorganisation du système tout entier, autrement dit des relations entre les différents individus - ce qui aura souvent un impact sur le quotidien du chien. Le comportementaliste s’adapte également à l’animal qu’il rencontre, et vise son bien-être physiologique et émotionnel. Il a un rôle pédagogique dans la mesure où il explique aux propriétaires pourquoi leur animal se comporte de la sorte, et leur souligne les limites de la thérapie entreprise : ainsi, il prendra toujours en considération CET animal précis qui se trouve en face de lui, et tentera de faire comprendre aux maîtres que, dans une certaine mesure, ils vont devoir accepter qui il est, et faire avec certains de ses comportements. Un chien de chasse qui aboie beaucoup est peut-être agaçant, mais il serait illusoire, et cruel, de vouloir le faire changer : les humains, à force de sélection, l’ont créé tel qu’il est. On ne veut pas de chien aboyeur ? Il existe des races silencieuses, il fallait se renseigner avant l’achat ou l’adoption de l’animal…

A quoi sert l'éducateur ?

L’éducateur lui, comme son nom l’indique, aide les propriétaires à éduquer leurs chiens. Il recherche l'obéissance du chien à des ordres simples ou complexes. Certains professionnels, formés en éthologie et respectueux de leurs élèves à quatre pattes, se focalisent exclusivement sur les ordres utiles, mettant de côté le refus d’appât et autres lubies du même acabit. Le but de l'éducateur est finalement que tous les chiens, quels que soient leurs origines, caractère, race ou vécu, puissent parvenir au même résultat (assis, couché, debout, pas bouger, viens au pied, etc). L'éducateur transmet des techniques, un savoir-faire, une manière de conditionner un animal. Qu'il travaille en renforcement positif, en clicker training ou de manière plus traditionnelle, c'est donc toujours l'obéissance de l'animal qui est en jeu. Plus précisément, l'éducateur oeuvre pour que le chien puisse se plier aux règles et contraintes de la vie en société humaine. Ainsi, de très nombreux propriétaires font appel à un éducateur parce que leur chien ne revient pas au rappel ou qu'il tire à la laisse. Mais pas uniquement... Car dans certains cas, l'éducation vient compléter le comportementalisme, et vice-versa.


Comment les deux métiers se complètent-ils ?

Restons dans l’exemple du chien qui tire en laisse. Les propriétaires pourront peut-être venir à bout de cette mauvaise habitude grâce à un bon éducateur. Mais peut-être pas ! En effet, derrière cet affolement du chien à aller à toute allure là où sa truffe le mène, se cachent peut-être un souci plus général d’excitabilité et de mauvaise gestion émotionnelle, ou un non-respect, de la part des propriétaires, du niveau individuel d’énergie de leur animal. Un braque allemand, laissé seul toute la journée et promené deux fois 15 minutes par jour, sera forcément une pile ingérable, qui tirera de toutes ses forces sur sa laisse. Aucun apprentissage ne permettra de le «rééduquer» : il faudra faire comprendre aux propriétaires que leur chien a besoin de beaucoup plus se défouler, et que deux heures de balade en liberté ne sont pas de trop pour lui. Ceci étant du ressort du comportementaliste...

A l’inverse, un comportementaliste appelé pour des conduites agressives, ou pour des peurs et des phobies, aura très certainement besoin de référer son client à un éducateur canin (sauf s'il est lui-même éducateur). Car seul un éducateur saura encadrer les séances individuelles permettant, à terme, d’améliorer ou de résoudre les difficultés de l’animal et de son maître. Habituation et désensibilisation nécessitent, en effet, un accompagnement personnalisé, et sur la durée. Une unique consultation de comportementalisme est rarement suffisante. Il faut aller sur le terrain, en situation, et montrer au propriétaire les gestes à faire ou à ne pas faire.

Enfin, bien sûr, nous ne saurions passer sous silence que tous les chiens ont besoin de contacts réguliers et positifs avec des congénères : les cours collectifs avec lâchers de chiens, tels qu’ils sont pratiqués par les bons éducateurs et les comportementalistes-éducateurs, sont l’un des moyens de donner à son animal ce dont il a le plus besoin pour être bien dans ses coussinets : des relations sociales !


Marie Perrin

mardi 16 septembre 2014

Mon chien garde ses ressources

Médor s’est approprié la gamelle du chat et gronde dès que quiconque passe à proximité. Hier, c’était la table du salon qu’il avait faite sienne et, avant-hier, le sac à main de sa propriétaire. A quoi cela correspond-il, et que peut-on faire pour y remédier ?

L’action de garder, de veiller, de surveiller est inscrite dans le comportement de canis lupus familiaris, encouragée même dans certaines races par la sélection génétique. Ne s’enorgueillit-on pas d’avoir un doberman particulièrement bon gardien ? Mais là où certains chiens, avec mesure, se contentent de protéger les troupeaux, les jardins et les propriétés – comportements évidemment encouragés par leurs humains -, d’autres font du zèle et se mettent à veiller sur des objets insolites, voire sur leurs humains.

Certains s’installent ainsi au pied du sapin et des cadeaux de Noël, tandis que d’autres ne laissent plus personne s’approcher de la porte d’entrée. Mon expérience de comportementaliste m’a ainsi amenée à côtoyer des chiens qui gardaient les pieds de leurs propriétaires, leur propre vomi ou le bébé de la famille. Le risque majeur : des morsures sur humains, ainsi que des bagarres avec d’autres chiens.

Tout ranger !
La priorité, avec ces chiens susceptibles sur les ressources, c’est de tout ranger. De ne rien laisser traîner que le chien puisse ravir. La deuxième étape, c’est bien sûr de travailler sur le relationnel, sur le système qu’il forme avec ses maîtres. Un cadre rassurant doit permettre peu à peu d’apaiser cet animal inquiet, anxieux. On le fera manger tranquillement dans une pièce à part, sans jamais l’ennuyer, on le laissera dormir tout son soûl sur la place qu’on lui aura attribuée, sans lui laisser la possibilité de se choisir lui-même un autre endroit de repos.

Une troisième étape pourra être de lui apprendre à donner, à rendre, par le prisme du jeu. Ainsi, troquer une balle contre une autre au cours de séances ludiques. Le but est certes qu’il apprenne l’ordre « donne », mais surtout qu’il ne se sente plus menacé sur ses possessions, qu’il sache que rien ne lui est jamais ôté de force, mais que s’il rend de bonne grâce, il se verra gratifié d’un bonheur encore plus intense. Travailler le calme et la complicité, devenir un leader qui inspire la confiance : telle sera la quatrième étape de la thérapie…

Combler le niveau individuel d'énergie (NIE)

Les propriétaires veilleront également à bien défouler leur chien, à lui donner des activités physiques et mentales, afin de pouvoir lui demander ensuite, à la maison, de se plier aux règles établies sans éprouver d’inconfort. Rappelons que chaque chien possède un niveau individuel d’énergie, ou NIE, qu’il faut absolument combler sous peine de voir apparaître des troubles du comportement – et garder intempestivement les ressources en fait partie.

Enfin, si malgré toutes les précautions, un conflit s’amorce autour d’une ressource, comment faut-il réagir ? En tous les cas, pas par la force. C’est le meilleur moyen de se faire mordre ! Un chien qui grogne prévient qu'il veut éviter le conflit. On pourra tenter diverses approches : un bruit pour détourner son attention, avec une contre-proposition dans la foulée, sortir la laisse et le harnais, pourquoi pas jouer avec une balle qu’il aime à quelques mètres de lui. Cela suffira peut-être à le distraire de son gardiennage inopportun, le tout de manière positive et non violente.

Dernier point, si vous êtes confronté à ce genre de situation, il ne faudra pas hésiter à vous faire aider par un professionnel, qui pourra plus facilement remonter à la source du problème afin de mettre en place les stratégies les plus adaptées…

Marie Perrin

mardi 22 juillet 2014

Dépasser la dominance

La dominance, que l’on peut définir comme la suprématie absolue d’un individu sur un autre, est une théorie très répandue dans les milieux cynophiles. Ce modèle hiérarchique pyramidal sert aussi bien à décrire les relations entre les chiens que celles entre les canidés et les humains. Décryptage d’un mythe.

La théorie de la dominance et de l’alpha est née il y a quelques décennies avec des études menées sur des loups par le docteur Frank Beach. Forte d’un grand succès, elle a été vaillamment transposée au chien domestique, puis s’est imposée dans la culture cynophile. L’idéologie s’en est mêlée, le chef de famille, maître sur ses sujets inféodés, devant aussi régner sur son chien sous peine de grands débordements, voire de révolution sanglante.

Depuis, l’éthologie s’est penchée sur le chien de compagnie, canis familiaris, longtemps tenu en mépris en raison même de sa proximité avec l’être humain. Ainsi Adam Miklosi, de l’université de Budapest. Et Frank Beach est revenu sur ses observations : les loups étaient captifs (ce qui faussait tout), les analyses erronées – la mise sur le dos, par exemple, n’est pas imposée par le loup le plus assertif mais initiée par son subordonné, qui lui propose la soumission de son plein gré, de manière volontaire et ritualisée. Néanmoins, malgré les voix des spécialistes, la dominance continue à être enseignée, transmise, entendue. Il est populairement admis que les chiens cherchent à se dominer, à nous dominer, qu’il faut les soumettre pour éviter tout danger. L’erreur ne serait pas grave si elle n’impactait pas la manière dont on pense les chiens, dont on agit avec les chiens, dont on dresse et rééduque les chiens.

La dominance intraspécifique

Le chien n’est pas un loup : de cette affirmation découle que la transposition stricto sensu du modèle de Frank Beach était en soi une aberration. De surcroît, les études ultérieures ont démontré que les meutes de loups libres ne fonctionnaient pas selon un schéma hiérarchique mais selon un modèle familial : un couple parental associé à sa descendance, de l’année ou d’autres années. Et que la collaboration, la coopération et surtout la ritualisation formaient le socle de ces groupes plus sûrement que la violence fantasmée. Parallèlement, les recherches sur les chiens marron ou sur leurs homologues domestiques ont toutes conclu que la dominance chez le chien est fluctuante, affaire de rencontres, de circonstances, de ressources.

Les chiens, qu’ils soient féraux ou familiers, s’associent plutôt par paires, ne forment pas des meutes mais des groupes changeants, et engagent quotidiennement de multiples interactions qui n’ont strictement rien à voir avec les rapports de force. Ils jouent, communiquent, s’apprécient ou ne s’entendent pas, s’évitent ou recherchent mutuellement le contact, s’ignorent, s’éloignent ou se rapprochent et, surtout, ritualisent leurs conflits pour ne pas avoir à se mettre en danger. Ainsi les bagarres des mâles, spectaculaires et bruyantes, dont l’on s’étonne ensuite qu’elles rien n’aient occasionné de grave, tout au plus quelques touffes arrachées.

Au sein d’une même famille, les chiens se partagent les prérogatives. L’un sera plus sensible aux déplacements, l’autre à la nourriture, le troisième aux contacts affectifs. Si dominance il y a, elle varie donc en fonction des sensibilités de chacun. Et elle est surtout déterminée par la capacité d’un des sujets à accepter de laisser la priorité à l’autre. Sans agressivité, en bonne entente. Elle n’est pas innée, inscrite une fois pour toutes dans un individu précis, elle change au gré des possibilités et des interactions. Il est ainsi rare de trouver des chiens qui affirment leurs prérogatives sur tous les postes. Elle n’est pas un « en soi », immuable : elle nécessite des interactions avec un congénère, dans un mouvement dynamique de va-et-vient (actions / réactions).

La dominance interspécifique.

Mais le plus important, c’est que la dominance n’entre en jeu que dans une relation intraspécifique, en aucun cas dans une relation interspécifique. Ainsi, s’il est un mythe qu’il importe vraiment de déconstruire, c’est celui de la dominance entre chiens et humains. Il a été prouvé, scientifiquement, que la dominance ne peut pas s’exercer entre espèces différentes. Les chiens ne sont pas des humains, nous ne sommes pas des chiens : la théorie s’effrite. Point final.

Qu’en est-il des comportements non désirés ?

Moult raisons, bien éloignées d’une quelconque dominance, peuvent conduire un chien à adopter des comportements non désirés par ses propriétaires. Ainsi, un chien qui tire à la laisse est-il réellement en défaut de « soumission » à son maître ? Et si la promenade était pour lui un plaisir immense, ou trop rare ? Son excitation à la hauteur de l’énergie accumulée au cours de sa journée languissante ? Et si, tout simplement, il avait fait l’apprentissage que l’action de tirer l’amenait plus vite aux endroits désirés ?

La plupart du temps, l’étiquette « chien dominant », bien confortable, évite de se poser les bonnes questions, celles qui permettraient des changements durables et un assainissement relationnel. Plus grave, les réponses apportées par les tenants de la « dominance » peuvent nuire gravement au lien entre le chien et son propriétaire car elles sont toujours coercitives, frontales et conflictuelles. Par exemple l’« alpha roll» et bien d’autres techniques du même acabit, qui ne signifient rien pour le chien et peuvent, à terme, le conduire à se méfier de son maître, à douter de lui, voire à en avoir peur. Les partisans de la dominance pensent qu’il faut passer les portes et manger avant son chien, lui interdire toute position haute et le contraindre physiquement au moindre débordement. Autant de clichés sans fondement éthologique.

Débarrassé d’un fardeau

Finalement, la dominance semble surtout un fourre-tout bien pratique, permettant de s’épargner une observation rigoureuse des animaux et une prise en compte de leur réalité et de leurs émotions. Avouons-le : en abandonnant le mythe de la dominance, l’on se sent soudain débarrassé d’un fardeau. D’une charge délétère, qui empoisonne peu à peu, irrémédiablement, le lien si précieux que l’on peut nouer avec son chien. Etrangement, lorsque tout s’apaise, en soi puis avec l'autre, l’on s’aperçoit alors que personne ne souhaitait prendre le pouvoir, qu’il était juste question d’être chacun à sa place, dans le respect et la complicité.

Marie Perrin

samedi 19 juillet 2014

Membre du réseau Vox Animae

Formée par Laurence Bruder-Sergent et Vox Animae, je suis membre du réseau Vox Animae.
 
A ce titre, en tant que comportementaliste et en tant qu'éducateur canin, je respecte la charte Vox Animae, qui est la suivante :
 
Chaque membre du réseau VOX ANIMAE s'engage à :
 
1/ Mobiliser toutes ses connaissances et son énergie afin d’aider son client à solutionner les problématiques qu’il rencontre avec son animal, au besoin avec l’aide du réseau Vox Animae
 
2/ Donner toutes les informations demandées par le client, expliciter les raisons de ses conseils, se rendre disponible pour tout renseignement sur ses méthodes, ses compétences et de ses spécialités
 
3/ Veiller à toujours respecter les émotions, l’équilibre psychologique et éthologique des animaux et des humains avec lesquels il travaille
 
4/ Conseiller avec la même bienveillance toutes les personnes quelles que soient leurs origines, leurs mœurs et leurs situations de famille, leur appartenance ou leur non-appartenance à une ethnie, une nation ou une religion déterminée, leur handicap ou leur état de santé, leur réputation 
 
5/ S’adapter à son client par un vocabulaire intelligible pour lui
 
6/ Utiliser des pratiques non violentes physiquement et psychologiquement pour l’animal ou l’humain pour lesquels il travaille. Les colliers étrangleurs, sanitaires, torquatus, électriques, à jets de citronnelle et autres outils occasionnant des douleurs ou des peurs à l’animal sont proscrits par le réseau Vox Animae
 
7/ S’assurer que ses propositions de changement sont acceptables pour le client et correspondent à ses besoins réels 
 
8/ Informer son client sans la moindre ambiguïté, des risques éventuels résultant d’une mise en œuvre incomplète de ses conseils
 
9/ Ne pas divulguer des informations personnelles concernant ses clients à autrui (à l’exclusion des confrères susceptibles de le seconder) et respecter le secret professionnel de rigueur
 
10/ Ne pas diffuser, publier ou citer les noms des clients, leurs animaux, ni leurs situations personnelles sans leurs autorisations
 
11/ Ne pas dénigrer, critiquer, attenter à l’intégrité professionnelle ou personnelle du réseau Vox Animae ou l’un de ses membres. En cas de manquement grave et avéré, dans le comportement, les paroles ou les comportements d’un membre du réseau, il en informe Vox Animae qui prendra les dispositions de rigueur
 
12/ Ne pas engager Vox Animae dans une action ou une déclaration, ni ne parler en son nom, sans avoir obtenu l’accord de ses dirigeants au préalable
 
13/ Se former régulièrement et se tenir au courant des dernières avancées dans les connaissances de l’éthologie ou de la psychologie
 
14/ Ne pas s’engager à donner des conseils sur la santé des animaux, les médicaments à utiliser, ni les soins à effectuer
 
15/ Il peut par contre se faire aider, travailler conjointement ou s’associer avec un professionnel diplômé d’une Ecole Vétérinaire, un ostéopathe, naturopathe, praticien en phytothérapie ou autre
 

samedi 5 juillet 2014

Après-midi chiens-loups

Partir à la rencontre des chiens-loups...
 
 (Photo : Marie Perrin)
 
Propriétaire de plusieurs chiens-loups, de Saarloos et tchécoslovaques, j'ai constaté, au fil des années, qu'ils ne laissaient jamais indifférents. Pratiquement pas une promenade, pas une sortie dans le monde cynophile, sans que mes chiens ne soient le centre de l'intérêt, suscitant moult questions de la part de néophytes a priori fascinés.
 
L'an passé, j'ai eu la chance de pouvoir parler des chiens-loups à de futurs comportementalistes et éducateurs canins dans le cadre des formations Vox Animae. Cette année, j'ai décidé de proposer une après-midi découverte des chiens-loups à titre personnel, encouragée par de nombreuses demandes...
 
Le "stage" aura lieux demain, dimanche 6 juillet, à partir de 13h30, au club canin de Geispolsheim gare, rue de la batterie.
 
L'après-midi se déroulera de la manière suivante :
 
* 13h30 : accueil des participants
 
* Début du stage avec présentation des deux races officielles de chiens-loups, les Saarloos et les tchécoslovaques :
 
- origines des deux races
- similitudes et différences entre les deux races
- spécificités des chiens-loups
- vivre avec un chien-loup
- aborder un chien-loup 
 
* Présentation des chiens-loups présents
 
* Tour de table des propriétaires
 
* Présentation du BARF
 
* La communication canine :
 
- quelques mots sur les signaux d'apaisement, les rituels, etc
- atelier pratique avec découverte des interactions entre plusieurs chiens-loups
 
* Promenade récréative
 
* 17h30-18h00 - approximativement - : fin de l'après-midi
 
 

jeudi 5 juin 2014

Eduquer dans le respect : une évidence, pourtant bien malmenée...

Vertement décriées par tout un versant du monde cynophile, les méthodes positives sont souvent pointées du doigt comme inefficaces, au mieux douces et dingues, au pire « dangereuses ». Pourquoi ?


Ne nous voilons pas la face : dans le monde de l’éducation canine, deux écoles s’affrontent. Les tenants des méthodes positives contre les partisans des méthodes coercitives. Idéologie contre idéologie pourrait-on dire. Les uns crient au laxisme, les autres à la maltraitance, les détracteurs des méthodes positives n’hésitant d’ailleurs pas à soutenir qu’elles ne s’appliquent qu’à des chiens d’un naturel docile, et qu’en réalité, elles relèvent d’une sorte de « non éducation », d’un phénomène de mode un peu «néo-baba »…
 
« Positif » ne veut pas dire « laxiste »

Tout d’abord, il faut absolument battre en brèche une idée reçue : éducation positive rimerait avec « laisser tout faire ». Les « pros » de la coercition  sont encouragés dans leur opinion par les agissements de certains particuliers : séduits par un discours a priori facile, ces propriétaires confondent allègrement « positivité » avec permissivité. Le résultat ? Des chiens « no limit », exemples parfaits pour alimenter le discours des « antis ».  
 

Or, osons l’affirmer : « positif » ne veut pas dire « laxiste ». Eduquer positivement, c’est… éduquer ! Non, les tenants de l’éducation positive ne laissent pas leurs chiens mordre le facteur, détruire leur appartement, tirer à la laisse ou manger dans leur assiette ! Et oui, les défenseurs de l’éducation positive apprennent les bonnes manières à leur chien, mais ils le font sans crier, sans vociférer, sans frapper, en respectant la réalité éthologique de leur animal. Car, rappelons-le, punir n’apprend pas à bien se comporter. Punir sanctionne, c’est tout, et encore faut-il que la punition survienne au bon moment, et qu’elle « parle » au chien. Confronté à des corrections verbales et physiques à la chaîne, des corrections qui, dans son univers, ne font pas sens, le chien n’apprend qu’à tenter d’éviter les coups et le courroux. Bien pire, il finit par se résigner, cesse de réfléchir, se « soumet » aux diktats.
 
Et chez les humains


Les méthodes coercitives appliquées aux enfants sont aujourd’hui bannies. L’on connaît les risques qu’encourent les enfants éduqués par des brimades, des coups, des punitions, bref des maltraitances à répétition. L’on sait en effet que la violence engendre la violence, mais aussi la peur et des troubles du comportement et de la relation sociale. Quel parent accepterait aujourd’hui que son enfant soit giflé, malmené, frappé par son professeur ? Pourtant, personne ne s’interroge sur les violences faites aux chiens. Ainsi, nombre de propriétaires continuent de confier leur compagnon à quatre pattes, que par ailleurs ils disent chérir de tout leur cœur, à des éducateurs « virils », adeptes des colliers à pointes, des décharges électriques et des contraintes à tout-va. Est-ce là le chemin idéal vers une cohabitation harmonieuse ? Vers une confiance réciproque ?
 
Nos chiens, pas plus que nos chats, nos chevaux ou nos enfants, ne méritent qu’on leur inflige pareil traitement. C’est barbare, mais aussi contre-productif. Un chien brutalisé à répétition risque un jour de se retourner contre son tortionnaire: il y aura été acculé, agira en état de légitime défense, mais aucun avocat ne viendra défendre sa cause. Il sera catalogué « dangereux », puis euthanasié sans autre forme de procès…
 

Ignorer les mauvais comportements, récompenser les bons


Evidemment, comme dans toute éducation, il convient de poser des interdits et de mettre des règles en place. Ce sont là des étapes indispensables, bases de la vie sociale, mais qui doivent se faire dans le calme, avec fermeté et sans violence, d’une manière compréhensible pour le chien. Les tenants de l’éducation positive vont indiquer à leur chien ce qu’ils aimeraient lui voir accomplir, puis le féliciter pour sa coopération. En cas de comportement non désiré, ils vont interrompre l’animal, puis réorienter son action vers quelque chose d’acceptable.

Bien sûr, il est difficile d’éduquer sans punir : ainsi, l’ignorance intentionnelle est un excellent moyen de faire comprendre à l’animal qu’il a dépassé les bornes. Les insistants seront mis à l’écart du groupe : rien de tel pour se calmer ! D’ailleurs, si l’on prend la peine de regarder les chiens interagir, l’on se rend compte que souvent, ils choisissent de se détourner d’un congénère qui les ennuie plutôt que d’entrer en conflit pour des broutilles. Une attitude extrêmement limpide entre chiens, dont nous pouvons nous inspirer pour communiquer efficacement avec nos compagnons.
 

En méthode positive, l’on va aussi apprendre au chien à gérer sa frustration et ses émotions, à ne pas exiger un contentement immédiat de ses désirs. Tout cela se fera au rythme de l’animal, selon ses capacités, son caractère, son tempérament.
 

Enfin, là où les partisans de la coercition rééduqueront le chien « grogneur » (par exemple) avec force secouages et placages, les comportementalistes-éducateurs, formés aux méthodes respectueuses, réfléchiront à ce qui a pu conduire ce chien-ci à menacer. Surtout, ils envisageront le grognement comme un élément « sain », dans le sens où le chien a prévenu - il aurait en effet pu mordre directement. En outre, n'oublions pas que les rééducations musclées présentent plusieurs dangers, et notamment celui d’induire un passage à l’acte plus rapide: l’animal risque d’apprendre à zapper la phase « menace ».
 
 
Cette année, un « professionnel du chien », maître ès cruautés, annonce sa venue en Suisse : César Millan, dont les émissions outre-Atlantique diffusent à grande échelle les méthodes antédiluviennes, propageant par ailleurs un discours nauséabond (et fallacieux), qui justifie(rait) à lui seul toutes les violences faites aux chiens : ceux-ci ne poursuivraient qu’un but, « dominer » leurs propriétaires* (dans le sang si possible). Il semblait important, dans ce contexte, de rappeler que la brutalité n’est pas une fatalité mais un choix, réfléchi et consenti, avec moult conséquences dommageables, tant pour le chien que pour le maître. Et que de vraies solutions existent, éthologiquement convenables (mais certes moins spectaculaires !), pour apprendre au chien à vivre en société humaine, paisiblement et sans conflits.
 
 
Marie Perrin
 
* Le mythe de la dominance entre chiens et humains fera l’objet d’un article ultérieur

mardi 6 mai 2014

Attention, DINOS !

DINOS, ou Dog in Need of Space : l’acronyme, créé par l’Américaine Jessica Dolce, désigne un chien qui ne supporte pas l’intrusion d’« indésirables », congénères ou humains, dans sa « bulle ». Décryptage.
 

Le terme DINOS, qui pourrait être traduit par « chien ayant besoin d’espace », renvoie à des chiens qui, pour une raison ou pour une autre, ont beaucoup de mal à tolérer que l’on s’approche trop près, ou trop vite d’eux. Rappelons tout d’abord que chaque chien possède une distance critique, une zone dont le périmètre varie d’un individu à l’autre, varie aussi selon les circonstances et selon l’état émotionnel de l’animal.

En cela, les DINOS sont semblables à tous les autres chiens, le « besoin d’espace » étant fondamental (et ce, d’ailleurs, que l’on soit un chien ou un humain). La différence entre les DINOS et les autres, comme le rappelle Jessica Dolce, c’est que les DINOS ont besoin d’encore plus d’espace. Et qu’ils ne parviennent pas à s’adapter en cas de non-respect de cet impératif.
 
Pour mieux comprendre ce qu’est la distance critique, prenons l’exemple de la salle d’attente d’un médecin. Certaines personnes vont s’asseoir juste à côté d’un autre patient, tandis que d’autres personnes laisseront une chaise, voire deux chaises entre elles et leur voisin. D’autres encore, en cas de proximité trop grande, se sentiront même défaillir : leur rythme cardiaque va s’accélérer, leur poitrine s’oppresser, leur souffle se raccourcir. Normalement, cette intolérance ne concerne que les étrangers, ou les individus hors cercle intime. Néanmoins, certaines personnes auront les mêmes difficultés avec leurs amis, voire leurs proches. Tout comme les DINOS. Certains DINOS pourront ainsi avoir des réactions jugées disproportionnées même avec leurs maîtres, ou leur entourage.
 

Comment réagit un DINOS ?
 

Un DINOS réagit de la même façon qu’un chien confronté à une situation anxiogène. Rappelons qu’en cas de peur, un chien a trois possibilités : se figer, faire front ou fuir. Le chien DINOS va réagit à l’insupportable contrainte de la même manière : il va tenter de se soustraire, de rétablir l’équilibre en s’en allant mais, en cas d’échec, ou s’il est entravé, il passera peut-être à l’attaque.
 

Pourquoi un chien est-il un DINOS ?
 

Parmi les causes de ce trouble que l’on pourrait qualifier de « phobique », Jessica Dolce cite des raisons organiques - médicales comme une maladie, une blessure, une opération, ou liées à l’âge, avec des douleurs arthrosiques ou une cécité. Mais aussi comportementales comme une mauvaise gestion émotionnelle, une grande réactivité, l’anxiété, la peur ou une intolérance aux autres – animaux, congénères, humains.
 

Certains chiens sont devenus des DINOS parce qu’ils ont été mal socialisés (à leur espèce), ou peu familiarisés (aux autres espèces), qu’ils ont fait de mauvaises rencontres ou vécu des expériences qui les ont fragilisés, ou qu’ils ont été victimes d’abus et de violences. Certaines races sont également plus exposées que d’autres - pourrait-on postuler que les chiens-loups de Saarloos sont tous des DINOS en puissance ?
 

Autant de raisons qui doivent impérativement être repérées par les propriétaires, puis prises en compte dans la vie de tous les jours. Les DINOS ont besoin d’être appréhendés avec plus de tact que les autres chiens. Ils ont aussi besoin qu’on fasse attention à eux, qu’on anticipe leurs réactions et qu’on les gère avec plus de délicatesse.
 

Le repérer, le prendre en charge, vivre avec lui...
 

L’on peut évidemment tenter de travailler sur la distance critique du chien DINOS, de réduire peu à peu sa bulle de confort par des exercices progressifs, en renforcement positif. Un travail de longue haleine visant à rendre le DINOS moins réactif, plus tolérant. Mais le plus simple finalement, n’est-ce pas de prendre acte de la personnalité du chien, et de faire en sorte de ne pas le mettre dans l’embarras ? De veiller au comportement des gens croisés dans la rue, ou qui viennent en visite ?

 
Cela peut passer par des aménagements tout simples : le DINOS aura besoin de son petit coin à lui, où personne ne viendra l’embêter, où il pourra se retirer en toute quiétude. Il aura aussi besoin qu’en promenade, son maître veille à ce que personne ne l’aborde sans crier gare, et qu’une distance minimale entre lui et les autres lui soit toujours garantie. Enfin, un chien DINOS pourra tout à fait interagir avec des congénères, mais il lui faudra plus de temps pour entrer en contact, pour se sentir en confiance. Les DINOS ont globalement besoin qu’on supervise mieux les présentations.
 
Certains sites proposent aujourd’hui des accessoires dédiés aux DINOS, comme des tee-shirts, des laisses, des rubans. Une communauté et une page Facebook ont même été créées pour ces chiens un peu particuliers, qui viennent peut-être nous rappeler que les chiens ne sont pas des peluches mais des êtres vivants envers lesquels nous, humains, avons des devoirs. Et notamment celui de respecter leurs émotions, leurs sentiments, leur personnalité. Et d’agir avec eux d’une manière éthologiquement et « caninement » convenable.
 

Marie Perrin

Pour en savoir plus : http://dogsinneedofspace.com/











lundi 21 avril 2014

Et s’il ne lui manquait que la parole ?



Menée par Attila Andics, chercheur au MTA-ELTE Comparative Ethology Research Group de Budapest, une étude a récemment mis en évidence que les chiens sont sensibles aux émotions véhiculées par la voix humaine*. Bien plus, les zones cérébrales activées par les sons sont identiques chez les deux espèces. Décryptage d’une découverte majeure.

Budapest est un vivier d’éthologues spécialisés dans l’analyse du chien domestique. L’on connaît bien sûr Adam Miklosi, mais bien d’autres scientifiques travaillent à mieux connaître notre meilleur ami. Parmi ceux-ci, Attila Andics, qui s’est penché sur la manière dont le cerveau de l’être humain et celui du chien traitent des informations vocales et sonores.

Au cours d’une étude antérieure, Andics avait démontré que les humains font la différence entre des aboiements joyeux et des aboiements tristes. Il alors souhaité savoir si la réciproque était vraie, et les conclusions de ses recherches ont dépassé ses espérances.

L’expérience d’Attila Andics

L'équipe d'Andics a travaillé avec un groupe de 11 chiens, constitué de borders collies et de golden retrievers. Durant 5 mois, les chiens ont été entraînés par les chercheurs, avec la complicité de leurs propriétaires, à subir une IRM calmement, sans éprouver de stress ou d'émotion qui pourrait parasiter le résultat des tests. Une fois qu’ils étaient capables de rester calmement dans l’appareil, Attica Andics leur a fait entendre 200 sons différents – des aboiements, des vocalisations humaines, des bruits environnementaux.


La «team» canine d'Attila Andics

Puis 22 cobayes humains ont été soumis aux mêmes stimulis auditifs. Lorsqu’Andics et son équipe ont analysé les résultats, ils ont certes découvert des différences – le cerveau humain est ainsi presque exclusivement dédié à l’analyse de la parole, ceci sans doute en lien direct avec l’acquisition du langage articulé par notre espèce. Mais ce qui les a enthousiasmés, eux et d'autres scientifiques à travers le monde, ce sont les similitudes de fonctionnement des cerveaux canins et humains.

«Cela montre que les chiens et les humains ont des processus cérébraux similaires en ce qui concerne l'interprétation sociale des sons», explique Andics**, ajoutant que « les chiens et les humains partagent un environnement social analogue ». La raison d’une telle proximité serait à chercher très loin en arrière, il y a 100 millions d’années plus tôt, chez l’ancêtre commun aux deux espèces – également commun à un très grand nombre d’autres espèces, des baleines aux chauves-souris, en passant par les ongulés, les primates ou les rongeurs. Ce qui permet à certains biologistes de postuler que cette similitude dans le traitement cérébral des informations auditives pourrait être mise en évidence chez bien d'autres animaux.




Quelle implication dans notre relation au chien ?

Cette faculté commune pourrait expliquer la réussite de la communication vocale entre nos deux espèces, estime Attila Andics. L’on ne doit néanmoins jamais oublier que les chiens et les humains cohabitent depuis des temps extrêmement anciens – certains spécialistes pensent que les canidés accompagnaient déjà les hominidés pré-humains. Depuis, ils cheminent côte à côté, co-évoluant de conserve. Ceci pouvant peut-être aussi venir expliquer cela...

Au cours des derniers siècles, des dernières décennies même, notre relation à notre meilleur ami a considérablement évolué. L’époque des chiens de ferme, attachés dans la cour, nourris des restes de tables, de pain et de lait, est quasiment révolue. Le chien vit avec nous, dans nos maisons, choyé, gâté, maltraité aussi, et chaque propriétaire, en son for intérieur, se dit souvent qu’« il ne lui manque que la parole »... « Il sait quand je suis triste » et semble tout comprendre... L’étude d’Attica Andics vient ainsi valider scientifiquement certaines de ces intuitions.

Mais au-delà, ce qu’il faut sans doute retenir de cette expérience, c’est que les chiens sont sensibles aux émotions véhiculées par la voix de leurs humains. Qu’est-ce que cela signifie, implique concrètement ? Tant dans la vie quotidienne que dans la manière dont nous pouvons, ou devons concevoir notre relation aux chiens domestiques, ainsi, évidemment, que leur « éducation » ?

Nous ne pouvons rien leur cacher...

Tout simplement que nous ne pouvons vocalement rien leur cacher. Ainsi notre chien perçoit-il l’agacement dans notre voix, nos intonations de courroux quand bien même nous tentons de le masquer. Il sait, il sent, il perçoit. Par exemple, s’il a pris son temps, tout son temps, à revenir à notre rappel... nous savons pertinemment que nous ne devons pas nous énerver mais notre voix nous trahit malgré nous. Et voici que soudain, notre chien ralentit l’allure, nous approche de biais, sort subrepticement un petit bout de langue... Ayant bien saisi notre contrariété, il s’apaise et nous apaise... La prochaine fois, il hésitera peut-être encore plus à revenir vers nous...

Emma Parsons, qui rééduque les chiens dits « agressifs » grâce au clicker, soutient exactement la même chose lorsqu’elle écrit dans son ouvrage « Click to Calm » que le son du clicker étant neutre***, il ne véhicule pas d’informations indésirables. A contrario de la voix qui, quoi que nous tentions, transmet au chien nos émotions les plus intimes. Comme la peur, source de grand nombre de comportements agonistiques.

Enfin, Attila Andics a également (surtout ?) mis en évidence que les chiens comme les humains réagissent plus fortement aux émotions positives qu'aux émotions négatives. Et peu importe, pour les uns comme pour les autres, qu'il s'agisse d'un éclat de rire ou d'un aboiement de jeu...

Marie Perrin

Quelques vidéos sur l'expérience de l'équipe d'Anders :

http://archive.jconline.com/VideoNetwork/3232711281001/Dogs-understand-human-emotion-says-study

https://www.youtube.com/watch?v=LKN-Xj6ffqI


* Résultats parus dans la revue « Current Biology ».
** Propos rapporté sur le site Science Now, traduction de l’auteure
*** Emma Parsons, « Click to Calm », Etats-Unis, Karen Pryor Clicker Training, 2005.