jeudi 28 mai 2015

Les tocs chez le chien de compagnie...


Stéréotypies, activités de substitution et troubles obsessionnels compulsifs chez le chien de compagnie : causes et thérapeutiques

A l’instar des êtres humains, les chiens peuvent, eux aussi, souffrir de tocs (troubles obsessionnels compulsifs). Tournis, léchages, stéréotypies, phobies : autant de comportements qui, bien qu’ils puissent être expliqués, sont souvent difficiles à traiter. 

Joy, petite malinoise de 18 mois, tourne sur elle-même à chaque fois qu’elle veut attirer l’attention de ses maîtres. Titan le labrador se lèche les pattes avant durant des heures. Caspar, bull-terrier de 24 mois, court après sa queue, de manière frénétique. Au départ, quand il était plus jeune, ses propriétaires en ont ri, ils ont trouvé ça amusant. Maintenant, ils s’inquiètent, à raison. Wolf, un chien-loup de 4 ans, regarde le ciel dès que l’angoisse l’étreint. Car dans le ciel, à l’insu de tous, se tapissent de terrifiants ennemis : lampadaires, flocons de neige, avions, sournoises montgolfières.

Un signe de souffrance

Ces quatre chiens sont évidemment tous en souffrance. Mais pas pour les mêmes raisons. Joy tourne sur elle-même depuis son plus jeune âge. Elle a appris, depuis quelques mois, qu’elle pouvait susciter une réaction de ses maîtres, et tourne donc pour obtenir d’eux qu’ils s’occupent d’elle, voire l’emmènent promener. Dans tous les cas, dès que son niveau de stress grimpe, elle s’adonne à cette activité de substitution. Sans doute faut-il chercher l’origine de son comportement dans de mauvaises conditions d’élevage et de développement précoce. Sans le vouloir, ses propriétaires ont renforcé ce comportement : pour la faire cesser, ils lui parlent, ou partent en balade. Autant d’attitudes qui, évidemment, poussent Joy à instrumentaliser son tournis. Elle souffre très certainement d’un déficit des autocontrôles, ne parvient pas à s’adapter à son environnement, et la relation qu’elle entretient avec ses propriétaires doit sans doute aggraver le tableau.

Le cas de Titan est différent : il est atteint d’arthrose, ses léchages compulsifs sont une réponse à la douleur. Malheureusement, même une fois l’arthrose traitée, Titan n’arrive plus à « passer à autre chose », ses léchages se sont ritualisés, ils sont devenus des tocs. Les léchages libèrent une forme de bien-être, même si, sur la durée, ils sont plus délétères que bénéfiques, en raison des plaies que le chien s’inflige. Un enrichissement du milieu - ainsi un jouet à mâchonner pour « oublier » de s’attaquer à ses propres articulations - pourrait peut-être l’aider à ne plus se mutiler. L’on pourrait envisager de lui offrir plus de promenades, de l’occuper avec des jeux mentaux, bref de le fatiguer pour qu’à la place de se lécher, il se laisse aller dans les bras de Morphée.

Le cas de Caspar est plus triste : il est atteint de « spinning », une maladie génétique qui affecte les bull-terriers. Dans certains cas, le tournis, ou le fait de pourchasser sa queue, peut aussi être l’un des symptômes de l’épilepsie. C’est pourquoi, pour tout Toc, toute stéréotypie, l’on s’adressera en premier lieu à son vétérinaire, qui procèdera à un examen minutieux du chien.

Wolf, le stressé…

Wolf, lui, est d’une nature très stressée, voire phobique. Les chiens-loups (de Saarloos) ne sont pas connus pour leur adaptabilité. Les changements les heurtent, l’agitation, le bruit, l’excès de monde ou de stimuli les perturbent au plus haut point. Pour apaiser l’angoisse, Wolf regarde le ciel avec suspicion et effroi. Un événement inattendu et le voici qui lève la tête, comme si l’Apocalypse avait commencé. Comment l’aider ? En abaissant au maximum son niveau d’anxiété, en l’apaisant, en étant attentif à son environnement de vie. En tentant également de comprendre quels événements et situations enclenchent son état d’alerte et le poussent à rediriger son angoisse sur le ciel. Enfin, il faudra bien évidemment le protéger en cas de panique (une tempête de neige par exemple).
 
Crédit photo : Virginia KLEIN

Les stéréotypies apaisent l’animal…

Un élément très important à comprendre est que les stéréotypies et les Tocs, chez les humains comme chez les animaux, ont un effet bénéfique. Ainsi, des études portant sur des animaux de zoo ont démontré que le niveau de stress diminue dès que l’animal stéréotype. Les stéréotypies augmentent par exemple au moment du nourrissage, source d’une attente d’autant plus stressante que les repas sont parfois l’unique occupation et plaisir de la journée. Certaines lignées seraient également plus touchées que d’autres par ces comportements : un animal qui stéréotype aura sans doute une descendance qui stéréotypera. L’une des clés, dans les parcs animaliers, réside dans l’enrichissement de milieu : moins d’ennui, moins d’énergie accumulée, moins de raison de s’occuper d’une manière ou d’une autre, moins de rituels « aberrants ».

De multiples causes

Pour résumer, stéréotypies, activités de substitution et tocs peuvent trouver leur origine dans de nombreuses causes : une hyperactivité (qu’elle soit génétique ou liée à de mauvaises conditions d’élevage), un déficit dans l’acquisition des autocontrôles, un milieu de vie inadapté, qui ne correspond pas au seuil homéostatique du chien – trop de bruit et d’agitation ou, au contraire, un manque de stimulations, tout ceci en fonction de l’individualité du chien -, mais aussi de l’ennui, dont on ne répétera jamais assez combien il est délétère pour nos compagnons à quatre pattes.

Enfin, il nous faut parler du renforcement involontaire par les propriétaires : agacés ou angoissés de voir leur chien s’adonner à une activité jugée « étrange », la plupart des gens réagissent en interrompant l’animal. Grave erreur, car si certains chiens vont tout simplement se trouver confortés dans leur comportement, d’autres vont finir par ne plus réussir à s’interrompre sans intervention humaine. Le cercle vicieux est enclenché…

Chaque race, chaque chien, a par ailleurs ses propres besoins d’activités et de dépense énergétique. Un chien de chasse enfermé toute la journée dans une cuisine, promené une demi-heure le matin et une demi-heure le soir, jamais mis au contact de congénères, jamais défoulé et jamais occupé, risque fort de développer des troubles comportementaux substitutifs. La frustration, ô combien difficile pour certains chiens, peut aussi conduire un animal à adopter des comportements « inappropriés » : dans ce cas, l’on entreprendra un travail sur la frustration avec les propriétaires, en thérapie comportementale.

Dans tous les cas ne l'oublions pas : un chien qui tourne sur lui-même, qui se lèche les pattes avant, mange ou boit compulsivement, fait des aller-retour devant son portail, aboie sans discontinuer ou, comme Wolf, lève la tête pour scruter l'azur, est un chien qui va mal : l'avis et l'aide d'un spécialiste sont certainement nécessaires !
Marie Perrin