vendredi 15 mars 2013

Le chien-loup de Saarloos (Chien magazine de mars 2013)

A la croisée du chien et du loup : le Saarloos


Le chien-loup de Saarloos, race née aux Pays-Bas au XXe siècle, envoûte et fascine : son physique et ses attitudes de loup en font un chien à part, un primitif à fort tempérament qui s’apprivoise avec patience et s’éduque avec doigté*.

 
(Photo : Sandra Rémy Massoubre)
Il était une fois... le projet de Leendert Saarloos

Le chien-loup de Saarloos a vu le jour au XXe siècle, projet d’un Néerlandais, Leendert Saarloos, qui rêvait de créer une race de travail performante, particulièrement apte à servir l’être humain. Les premières hybridations entre un berger allemand, Gérard, et une louve de Russie, Fleur, datent des années 30. Son « chien-loup européen »,qu’il destinait par exemple au travail auprès des aveugles, fut reconnu par le Kennel Club hollandais en 1975, six ans après sa mort, et nommée en son hommage« chien-loup de Saarloos »**.

Ceux qui ont perpétué son oeuvre ont privilégié l’aspect lupoïde, délaissant le versant « travail », et peu à peu, les gènes de l’ancêtre Gérard se sont perdus dans les limbes de la sélection. Il en résulte, aujourd’hui, un chien rustique et résistant, physiquement et psychiquement très proche du loup, une race confidentielle réservée à quelques amateurs triés sur le volet, capables d’en appréhender toutes les spécificités.

Paroles de maîtres

« Il est mon autre », dit Fleur de son chien-loup. Comme elle, bien des maîtres forment avec ce frère de vie, ce compagnon spirituel un couple fusionnel, passionnel, quasiment originel. Eclat de loup dans des vies urbaines bien policées, l’expérience du Saarloos est un bouleversement qui bouscule toutes les certitudes : il y a un avant, et un après le Saarloos. « Ils nous font constamment nous remettre en question, nous font avancer vers le meilleur de nous-même », témoigne Sébastien, propriétaire de trois Saarloos, propos auxquels répond en écho une éleveuse française, Estelle : « Le propre du Saarloos ? La remise en question quasi permanente de soi-même ».


Les particularités du chien-loup de Saarloos


Le Saarloos tient parfois plus du félin que du canidé. Insoumis et têtu, il n’obéit que de sa propre volonté. Ce qui n’empêche pas certains propriétaires persévérants de pratiquer du canicross, de l’agility, de l’obédience, voire de les emmener comme chiens visiteurs dans les maisons de retraite. Mais cela n’est clairement pas la règle, bien plutôt l’exception.

Du loup, le Saarloos a hérité la réserve, la méfiance et l’instinct de fuite. Son besoin de contacts avec d’autres chiens est exacerbé : il ne s’épanouit pleinement qu’aux côtés de congénères et maîtrise à la perfection les arcanes du langage canin. Tout, chez lui, concourt à une communication optimale, de ses oreilles naturellement bien droites à sa queue et son museau longs.

Pour cette raison, la plupart des éleveurs exigent de leurs futurs adoptants qu’ils aient déjà au moins un chien, préférablement de sexe opposé. En effet, comme dans d’autres races primitives, la cohabitation de chiens du même sexe et sensiblement du même âge peut s’avérer conflictuelle, et chez les femelles, elle peut même tourner au bain de sang.

Du côté du comportement...

Sans verser dans les poncifs, et en rappelant que chaque individu, chaque lignée, chaque élevage sont différents, on peut lister quelques grands traits comportementaux comme l’émotivité, l’anxiété (laquelle peut être source de phobies), la tendance marquée à la destruction, un possible hyper-attachement et une grande difficulté à tolérer la solitude (avec les troubles et désagréments qui en découlent). Certains Saarloos sont particulièrement mordilleurs, d’autres apprécient de marquer leur environnement. Rétifs à la contrainte, souvent peu adaptables, ils sont surpris, voire effrayés par la nouveauté, et semblent se plaire dans une routine sécurisante. Silencieux, peu aboyeurs, ils laissent en revanche, tels des loups, s’élever leur chant dans l’opacité de la nuit.

Enfin, avec eux, rien n’est acquis a priori, tout se gagne : l’apprivoisement est parfois une étape nécessaire dans la relation à son chiot, à plus fort titre en cas d’adoption d’un adulte. De cette caractéristique découle ce qui peut s’apparenter à un casse-tête : comment les faire garder pendant les congés ? Certains ont résolu la question en ne partant jamais en vacances, d’autres en les transformant en Saarloos voyageurs.

Quelle vie et quelle éducation pour le Saarloos ?

Les éleveurs s’accordent généralement pour dire qu’un chien-loup de Saarloos est mieux à la campagne qu’à la ville, en maison qu’en appartement, avec un autre (grand) chien qu’avec un chat. Et que les poules ou les chèvres peuvent fort bien se retrouver au menu de ce prédateur-né, qui sait parfaitement comment survivre en pleine nature. En cas de défaut de socialisation, cette prédation peut d’ailleurs s’exercer sur des congénères de petites tailles.

Une éducation en douceur, reposant sur les méthodes positives et faisant appel à l’esprit d’initiative du chien, est l’unique moyen de gagner la confiance, l’affection et l’obéissance de son Saarloos. Une intense familiarisation, un détachement progressif et un apprentissage de la solitude sont par ailleurs des étapes nécessaires pour qui souhaite pouvoir emmener son compagnon partout, et s’absenter sans retrouver systématiquement son intérieur refait à neuf.

Marie Perrin
 


Néanmoins, le chien-loup de Saarloos n’est pas un primitif selon la classification de la FCI : il entre dans le groupe 1, celui des chiens de berger.
La Fédération cynologique internationale (FCI) a reconnu la race en 1981.

1 commentaire:

  1. Très très bel article, une magnifique présentation de la race! Tu touches à un peu tous les points particuliers de la race, tout en laissant la porte ouverte à pas mal de possibilités pour qui veut s'en donner la peine.
    Bravo!

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