Stéréotypies, activités de
substitution et troubles obsessionnels compulsifs chez le chien de
compagnie : causes et thérapeutiques
A l’instar des êtres humains, les
chiens peuvent, eux aussi, souffrir de tocs (troubles obsessionnels
compulsifs). Tournis, léchages, stéréotypies, phobies : autant de comportements
qui, bien qu’ils puissent être expliqués, sont souvent difficiles à
traiter.
Joy,
petite malinoise de 18 mois, tourne sur elle-même à chaque fois qu’elle veut
attirer l’attention de ses maîtres. Titan le labrador se lèche les pattes avant
durant des heures. Caspar, bull-terrier de 24 mois, court après sa queue, de
manière frénétique. Au départ, quand il était plus jeune, ses propriétaires en
ont ri, ils ont trouvé ça amusant. Maintenant, ils s’inquiètent, à raison. Wolf,
un chien-loup de 4 ans, regarde le ciel dès que l’angoisse l’étreint. Car dans
le ciel, à l’insu de tous, se tapissent de terrifiants ennemis :
lampadaires, flocons de neige, avions, sournoises montgolfières.
Un signe de souffrance
Ces
quatre chiens sont évidemment tous en souffrance. Mais pas pour les mêmes
raisons. Joy tourne sur elle-même depuis son plus jeune âge. Elle a appris,
depuis quelques mois, qu’elle pouvait susciter une réaction de ses maîtres, et
tourne donc pour obtenir d’eux qu’ils s’occupent d’elle, voire l’emmènent
promener. Dans tous les cas, dès que son niveau de stress grimpe, elle s’adonne
à cette activité de substitution. Sans doute faut-il chercher l’origine de son
comportement dans de mauvaises conditions d’élevage et de développement
précoce. Sans le vouloir, ses propriétaires ont renforcé ce comportement : pour
la faire cesser, ils lui parlent, ou partent en balade. Autant d’attitudes qui,
évidemment, poussent Joy à instrumentaliser son tournis. Elle souffre très
certainement d’un déficit des autocontrôles, ne parvient pas à s’adapter à son
environnement, et la relation qu’elle entretient avec ses propriétaires doit
sans doute aggraver le tableau.
Le cas
de Titan est différent : il est atteint d’arthrose, ses léchages
compulsifs sont une réponse à la douleur. Malheureusement, même une fois
l’arthrose traitée, Titan n’arrive plus à « passer à autre chose »,
ses léchages se sont ritualisés, ils sont devenus des tocs. Les léchages
libèrent une forme de bien-être, même si, sur la durée, ils sont plus délétères
que bénéfiques, en raison des plaies que le chien s’inflige. Un enrichissement
du milieu - ainsi un jouet à mâchonner pour « oublier » de s’attaquer à ses
propres articulations - pourrait peut-être l’aider à ne plus se mutiler. L’on
pourrait envisager de lui offrir plus de promenades, de l’occuper avec des jeux
mentaux, bref de le fatiguer pour qu’à la place de se lécher, il se laisse
aller dans les bras de Morphée.
Le cas
de Caspar est plus triste : il est atteint de « spinning », une
maladie génétique qui affecte les bull-terriers. Dans certains cas, le tournis,
ou le fait de pourchasser sa queue, peut aussi être l’un des symptômes de
l’épilepsie. C’est pourquoi, pour tout Toc, toute stéréotypie, l’on s’adressera
en premier lieu à son vétérinaire, qui procèdera à un examen minutieux du chien.
Wolf, le stressé…
Wolf,
lui, est d’une nature très stressée, voire phobique. Les chiens-loups (de
Saarloos) ne sont pas connus pour leur adaptabilité. Les changements les
heurtent, l’agitation, le bruit, l’excès de monde ou de stimuli les perturbent
au plus haut point. Pour apaiser l’angoisse, Wolf regarde le ciel avec
suspicion et effroi. Un événement inattendu et le voici qui lève la tête, comme
si l’Apocalypse avait commencé. Comment l’aider ? En abaissant au maximum
son niveau d’anxiété, en l’apaisant, en étant attentif à son environnement de
vie. En tentant également de comprendre quels événements et situations
enclenchent son état d’alerte et le poussent à rediriger son angoisse sur le
ciel. Enfin, il faudra bien évidemment le protéger en cas de panique (une
tempête de neige par exemple).
Crédit photo : Virginia KLEIN
Les stéréotypies apaisent l’animal…
Un
élément très important à comprendre est que les stéréotypies et les Tocs, chez
les humains comme chez les animaux, ont un effet bénéfique. Ainsi, des études
portant sur des animaux de zoo ont démontré que le niveau de stress diminue
dès que l’animal stéréotype. Les stéréotypies augmentent par exemple au moment du
nourrissage, source d’une attente d’autant plus stressante que les repas sont
parfois l’unique occupation et plaisir de la journée. Certaines lignées
seraient également plus touchées que d’autres par ces comportements : un
animal qui stéréotype aura sans doute une descendance qui stéréotypera. L’une
des clés, dans les parcs animaliers, réside dans l’enrichissement de
milieu : moins d’ennui, moins d’énergie accumulée, moins de raison de
s’occuper d’une manière ou d’une autre, moins de rituels
« aberrants ».
De multiples causes
Pour
résumer, stéréotypies, activités de substitution et tocs peuvent trouver leur
origine dans de nombreuses causes : une hyperactivité (qu’elle soit
génétique ou liée à de mauvaises conditions d’élevage), un déficit dans
l’acquisition des autocontrôles, un milieu de vie inadapté, qui ne correspond
pas au seuil homéostatique du chien – trop de bruit et d’agitation ou, au
contraire, un manque de stimulations, tout ceci en fonction de l’individualité
du chien -, mais aussi de l’ennui, dont on ne répétera jamais assez combien il
est délétère pour nos compagnons à quatre pattes.
Enfin,
il nous faut parler du renforcement involontaire par les propriétaires :
agacés ou angoissés de voir leur chien s’adonner à une activité jugée
« étrange », la plupart des gens réagissent en interrompant l’animal.
Grave erreur, car si certains chiens vont tout simplement se trouver confortés
dans leur comportement, d’autres vont finir par ne plus réussir à s’interrompre
sans intervention humaine. Le cercle vicieux est enclenché…
Chaque
race, chaque chien, a par ailleurs ses propres besoins d’activités et de
dépense énergétique. Un chien de chasse enfermé toute la journée dans une
cuisine, promené une demi-heure le matin et une demi-heure le soir, jamais mis
au contact de congénères, jamais défoulé et jamais occupé, risque fort de
développer des troubles comportementaux substitutifs. La frustration, ô combien
difficile pour certains chiens, peut aussi conduire un animal à adopter des
comportements « inappropriés » : dans ce cas, l’on entreprendra
un travail sur la frustration avec les propriétaires, en thérapie
comportementale.
Dans tous les cas ne l'oublions pas : un chien qui tourne sur lui-même, qui se lèche les pattes avant, mange ou boit compulsivement, fait des aller-retour devant son portail, aboie sans discontinuer ou, comme Wolf, lève la tête pour scruter l'azur, est un chien qui va mal : l'avis et l'aide d'un spécialiste sont certainement nécessaires !
Dans tous les cas ne l'oublions pas : un chien qui tourne sur lui-même, qui se lèche les pattes avant, mange ou boit compulsivement, fait des aller-retour devant son portail, aboie sans discontinuer ou, comme Wolf, lève la tête pour scruter l'azur, est un chien qui va mal : l'avis et l'aide d'un spécialiste sont certainement nécessaires !
Marie Perrin