Les
pétards, la foule, l’orage, les bruits de la ville, certains humains, voire les
autres chiens : certains chiens, à l’instar des humains, ont peur de tout.
D’autres en revanche n’ont peur de rien. Mais qu’est-ce que la peur ? D’où
vient-elle ? Et comment aider un animal envahi par la peur, voire des
peurs ? Réponses.
La peur
est
une émotion vitale, directement liée à la survie. Soudain saisi par la peur, l’animal
mobilise toutes ses ressources pour fuir ou pour affronter le danger. Si
certaines peurs sont innées, comme la peur du vide, du feu ou de l’inconnu,
d’autres sont acquises, directement liées à l’individu lui-même, à son
développement, à son tempérament, à ses expériences et à son environnement.
Les peurs ataviques sont propres à chaque
espèce. Elles résultent d’un lent processus d’évolution, au cours duquel les
individus présentant ces peurs, plus aptes à la survie, ont été sélectionnés. «La
peur est un bénéfice adaptatif qui permet probablement à certaines espèces de
pouvoir survivre», résume ainsi Boris Cyrulnik. Au cours de son apprentissage,
le chien, comme le petit humain avec la peur du noir (par exemple), va
progressivement se défaire de ses peurs innées. A l’inverse, les peurs acquises
n’étaient pas présentes a priori :
l’animal, sensibilisé à certains stimuli, a appris à les craindre. Ainsi la
peur de l’orage, certes très courante, mais qui n’est pourtant pas une fatalité
dans une vie de chien…
L’émotion de peur ne doit durer que quelques
secondes. Si l’animal ne peut pas s’y soustraire, ou si elle se prolonge, il
peut basculer dans un état très grave (abordé dans un précédent article) :
la détresse acquise. Le chien entre en sidération, comme absent et paralysé. Le
propriétaire pense qu’il a vaincu sa peur alors qu’en réalité, elle l’a
terrassé…
Evidemment, tous les chiens ne sont pas égaux
face à la peur. Si certaines races sont plus sensibles que d’autres, de grandes
disparités peuvent apparaître au sein d’une même race, voire d’une même portée.
Les conditions de gestation de la femelle reproductrice, les profils émotionnel
et réactionnel des géniteurs, puis les conditions de développement précoce des
chiots et la manière dont l’éleveur envisage la socialisation et la
familiarisation des petits : autant d’éléments à prendre en compte, en
plus du choix de la race, si l’on souhaite un « bon chien de
compagnie », peu farouche et adapté à la vie en société humaine.
Un chiot qui, quand il quitte sa fratrie, a
déjà pris la voiture, vu toutes sortes d’êtres humains, côtoyé d’autres
espèces, marché en ville, été habitué aux bruits de la maison, aura un seuil d’homéostasie
sensorielle optimal : même issu d’une race plus fragile, ou réputée plus craintive,
ce chiot-là sera bien armé pour affronter une existence variée. Si ses
propriétaires poursuivent le travail entrepris par l’éleveur, il devrait
grandir de manière harmonieuse, sans développer de peurs aberrantes ou handicapantes.
De l’anxiété à la
phobie
Mais attention, un traumatisme est vite
arrivé ! Une morsure, une succession d’événements effrayants, un épisode
météorologique violent ou des pétards le soir de Nouvel An, et certains chiens tombent
dans l’angoisse. Ils ont appris à avoir peur de «ces choses-là». Parfois,
sourde et diffuse, la peur se généralise, envahit l’animal de plus en plus
souvent, pour des raisons de moins en moins évidentes aux yeux du propriétaire,
désemparé. La phobie guette…
Contrairement à la peur, l’anxiété est plus
diffuse. Elle n’est pas forcément liée à un stimulus identifiable et, surtout, l’individu
a le sentiment de ne rien pouvoir contrôler. La phobie, quant à elle, se
définit (Petit Larousse) comme une «crainte angoissante et injustifiée d’une
situation, d’un objet ou de l’accomplissement d’une action». Elle est une peur
démesurée, une crainte non justifiée, avec des symptômes physiques parfois
spectaculaires.
Parmi toutes les anxiétés susceptibles d’affecter
un chien, il en est une plus connue que les autres, plus répandue aussi :
l’anxiété de séparation. Celle-ci survient quand les propriétaires n’ont pas
pratiqué le détachement nécessaire à l’autonomie et à l’épanouissement de leur
compagnon à quatre pattes. Toujours collé à ses maîtres, le chien se retrouve littéralement
paniqué quand ils s’en vont, le laissant seul.
La peur, une cause fréquente
de morsures
A quoi ressemble un chien qui a peur ?
Généralement, il tient son fouet replié sous le ventre, a les oreilles plaquées
sur la tête, les yeux exorbités. Il arrive que certains sujets salivent, voire « moussent ».
Certains tentent désespérément de fuir, et s’ils pouvaient se cacher dans un
trou de souris, il le feraient. D’autres en revanche montrent moins de signaux
évidents de peur, ils aboient, sautent en bout de laisse, font mine d’attaquer.
Dans tous les cas, la peur doit être prise
très au sérieux. En effet, selon la règle dites des 4F, un chien pris de peur a
quatre options : fuir / se figer / faire front / faire des appels au jeu. Mais
s’il est acculé dans un coin, que l’on force le contact, ou qu’il est entravé par
la laisse, ces quatre options se réduisent rapidement à une seule :
attaquer. Et comme, pour le chien, il est question de survie à ce moment-là, l’attaque
est généralement rapide et violente. La séquence comportementale apparaît comme
tronquée, avec une phase de menace quasiment inexistante, ou presque
indétectable. De surcroît, le chien aura rapidement tendance à instrumentaliser
ce type d’agression : réussissant à mettre à distance l’objet de sa peur,
il réitérera ce comportement qui lui a valu satisfaction.
Aider un chien qui a
peur
Aider un chien craintif ou phobique est une
entreprise de longue haleine. Il est préférable de se faire aider par un
spécialiste. Les trois piliers de la thérapie sont : habituation, désensibilisation
et contre-conditionnement. Pas à pas, l’on aidera l’animal à reprendre
confiance, en lui, en son maître, en son environnement. Par le biais d’exercices
ciblés, avec neutralité, sans jamais le forcer et en travaillant toujours en
renforcement positif, l’on amènera le chien à reconsidérer son point de vue sur
les stimuli qu’il juge effrayants. Et l’on n’hésitera pas à s’appuyer sur un
chien stable et tranquille : un chien n’est en effet jamais si bien
rassuré que par un congénère. L’apprentissage vicariant, dans ce type de
troubles, est parfois l’une des clés de la réussite.
Marie Perrin