Ennui, anxiété, hyper-attachement sont générateurs de troubles du comportement. Quand un chien ne parvient pas à s'adapter à un contexte de vie, il réduit en effet son inconfort par des activités d’apaisement et de substitution, telles les vocalises, destructions ou malpropretés. Arrêtons-nous plus longuement sur ces dernières, et tentons d'analyser et de comprendre ce que les chiens nous «disent» lorsqu'ils urinent sur les tapis ou défèquent devant la porte d'entrée.
Le concept de propreté
Rappelons tout d’abord que dans le monde du chien, il n’existe que deux règles : on ne fait pas ses besoins là où on mange ni là où on dort. Dans le monde des humains en revanche, la propreté est une notion complexe qu’il va falloir apprendre au chiot : il doit se retenir lorsque la nécessité s’en fait sentir, pour faire à un endroit et un moment qui nous conviennent.
Et s’il veut communiquer avec son entourage ?
Si le chien a appris et assimilé qu’il doit se retenir pour se « vider » plus tard, au bon endroit, et s’il ne souffre d’aucune pathologie organique*, et que, malgré tout, il fait ses besoins dans la maison, c’est qu’il est dans un processus de marquage et de communication.
Certains chiens malpropres souffrent d’un problème de positionnement dans leur famille humaine. Un animal auquel on a abandonné la position de régulateur peut marquer ostensiblement l’habitation, généralement en présence de ses maîtres. Ce chien a l’habitude de décider de tout, il se déplace où bon lui semble, monte sur le canapé et en descend quand il le veut, mange en libre-service, dort sur le lit, obtient les caresses et l’attention qu’il souhaite, quand il le souhaite.
Pour ces chiens-rois, la thérapie se résume en une seule phrase : les propriétaires doivent redevenir les décideurs chez eux.
Une autre cause à envisager : son profil émotionnel
Des émotions intenses peuvent entraîner des émissions d’urine, voire des défécations. Les «pipis de joie» sont fréquents chez les chiots : on préconise de ne pas encourager ces débordements, d’en faire des non-événements. S’il s’agit d’un chien adulte, on se demandera si sa réponse est proportionnelle au stimulus : si oui, tout va bien. Si non, il va falloir apprendre au chien à gérer ses émotions. Des comportements auto-centrés, des plaies de léchage, des phobies viennent parfois compléter le tableau : l’unique voie est alors un long processus de thérapie comportementale encadrée par un professionnel.
La question de l’attachement excessif
Hyper-émotivité et ultra-sensibilité peuvent venir en symptômes d’un autre mal : l’hyper-attachement. Tout comme le fit la maman chien avec ses petits, les propriétaires vont devoir pratiquer un détachement, indispensable au bon équilibre psychique de l’animal. On conseille alors de limiter les contacts affectifs et d’en être toujours à l’initiative et, surtout, de dé-ritualiser les départs et les retours.
Quand l’hyper-attachement s’aggrave d’un problème lié à la solitude, on apprendra au chien à être seul même en présence de ses maîtres, par exemple en ne le laissant pas les suivre dans toutes les pièces. Il est primordial de comprendre qu’un chien qui est tout le temps collé à ses propriétaires va vivre leur absence comme un vrai déchirement : il va passer brutalement du tout-ensemble au tout-seul, source d’une terrible détresse émotionnelle.
Apprendre l’autonomie à son chien :
1) limiter les rituels de départ
2) limiter les rituels de retour
3) gérer les déplacements et les lieux de couchage du chien
4) limiter provisoirement les contacts affectifs et sociaux ET en être toujours à l’initiative
5) ne plus laisser le chien suivre les humains dans tous leurs déplacements
Des perturbations dans l’environnement
Des « détails » dans nos vies humaines peuvent aussi engendrer de véritables tsunamis affectifs chez nos chiens : un déménagement, un divorce, un bébé, une maladie sont autant d’événements à ne pas négliger.
De soudaines malpropretés, ou des régressions chez un chien qui a déjà exprimé des troubles de ce type, peuvent y trouver leur origine.
Une énergie non évacuée
Certains chiens étiquetés « malpropres » souffrent juste d’un surplus d’énergie. Toutes les races n’ont pas le même besoin d’activités physiques. Là où trois promenades calmes suffiront à un dogue allemand, plusieurs heures de course en liberté ne calmeront peut-être pas un border collie. En cas de manque d’actions à ce niveau-là, des malpropretés peuvent survenir.
Enfin, « last but not least », parlons de l’ennui... Car oui, nos chiens s’ennuient ! Ils passent de longues heures seuls, à nous attendre, à subir les aléas de nos vies de ministres. Pour passer le temps, ils se trouvent des occupations, pas toujours à notre goût !
Et si, faisant preuve de compassion, nous leur offrions de quoi s’amuser durant nos absences ? Un gros os de bœuf, un jouet rempli de friandises, des croquettes cachées dans l’habitation : ils oublient ainsi leur solitude, jouent, se dépensent intellectuellement, piquent même un petit somme entre deux résolutions d’énigmes.
En résumé, on peut dire que les problèmes de malpropretés tiennent à deux grandes familles de causes : un apprentissage de la propreté incomplet ou mal assimilé par le chien et une activité dite de « substitution » exprimant un mal-être ou une émotion forte.
Evidemment, un comportement étant rarement imputable à une seule cause, les possibilités peuvent s’additionner. Néanmoins, gardons toujours à l’esprit que les mictions et défécations ont aussi une valeur communicative : les chiens veulent nous faire passer un message. A nous de faire l’effort de les comprendre pour mieux vivre avec eux.
Marie Perrin et Laurence Bruder-Sergent
* Le marquage n’a rien à voir avec le vidage, qui est une nécessité biologique. Un chien qui se soulage en grosses flaques d’urine a très certainement un besoin physiologique à satisfaire, voire un problème organique : une visite chez le vétérinaire s’impose.