Mon chien «aime»-t-il ses séances d’éducation ?
A quoi sert le dressage ? Comment démêler l’utile de l’inutile, voire du toxique ? Comment savoir si un chien apprécie ses séances d’éducation ? Autant de questions auxquelles nous allons tenter de répondre dans cet article.
Pour un grand nombre de propriétaires, la question ne se pose même pas : un chien doit être dressé. Le monde cynophile, lui aussi, prône le « travail » du chien. Du côté des comportementalistes en revanche, le conditionnement fait débat. Comment se sortir de ces injonctions (voire de ces idéologies) contradictoires ?
Sans vouloir enfoncer des portes ouvertes, toute existence en société nécessite que l’on se plie à des règles de base. Dès lors qu’un chien rentre dans une habitation, qu’il ne vit pas « à la sauvage », libre de ses mouvements dans une campagne reculée, il va devoir faire un certain nombre d’apprentissages, notamment la propreté ou la marche à la laisse. Certes, nul besoin d’en passer par des conditionnements complexes, mais même le minimum syndical de la cohabitation homme-chien relève déjà de l’éducation. Et si l’on souhaite pratiquer une activité avec son chien, là encore un petit conditionnement est indispensable. Même un sport aussi basique que le canicross nécessite que le chien soit capable d’exécuter des ordres simples (en avant, stop, droite, gauche). Pour le coureur en tout cas, cela peut s’avérer vital !
Rappelons que le chien est l’espèce la plus anciennement domestiquée*. Nous cohabitons depuis si longtemps que certains chercheurs n’hésitent pas à soutenir l’hypothèse que le chien et l’humain on co-évolué*. Que nous ne serions peut-être pas ces humains-là si nous n’avions pas eu nos chiens. Nos éboueurs, nos auxiliaires de chasse, nos commensaux, nos partenaires de travail. Tous les chiens ne sont peut-être pas faits pour travailler, mais un grand nombre d’entre eux le sont, et pour leur plus grand malheur leurs journées s’étirent dans l’ennui entre le canapé, la fenêtre, ou un bout de jardin en solitaire.
Un besoin d’activités exacerbé
Chiens de chasse, de garde, de troupeau, de sport : La FCI reconnaît 335 races. Sur la plupart, l’être humain a imprimé sa marque. Grâce à la sélection, les éleveurs ont modifié (et modifient encore) les morphologies. Ils ont aussi façonné les aptitudes physiques et psychiques afin de rendre les chiens performants pour certaines tâches précises. Garder des vaches ou des moutons, avec un berger ou en autonomie, traquer un animal sauvage ou le débusquer dans sa tanière, chercher du gibier et l’apporter au chasseur, aider au sauvetage aquatique, tirer des traineaux dans la neige. Certaines lignées de certaines races ont été tant et tant manipulées génétiquement pour correspondre aux besoins des humains que les sujets de ces races peuvent développer de graves troubles du comportement lorsque leur mode de vie n’est pas adapté : anxiété, agressivité, hyperactivité. Certains chiens ont besoin de travailler, c’est malheureusement inscrit dans leurs gènes. Ainsi cette petite border collie née dans une ferme, dont les géniteurs travaillaient au troupeau, et qui a été adoptée en ville : elle n’avait pas six mois que déjà, sa vétérinaire lui prescrivait des antidépresseurs.
«regarde-moi» : un conditionnement utile
Et du côté du chien, qu’en est-il ? Que nous dit-lui, lui, de ce que nous pensons « le mieux » pour lui ? Certains chiens ont un besoin d’activité exacerbé. Se promener, randonner, courir ne leur suffit pas : il leur faut exercer leurs neurones, et de préférence tous azimuts. S’amuser à rentrer dans des boîtes de plus en plus petites, grimper à reculons le long d’un mur, mettre ses quatre pattes en équilibre sur le dessus d’un cône : autant d’activités qui ne servent à rien, qui relèvent a priori du conditionnement le plus « inutile » (et donc potentiellement répréhensible ou condamnable), et qui pourtant, pour certains chiens, participent de leur équilibre psychique et émotionnel. Certains chiens ont en effet besoin d’être énormément sollicités : pour eux, oui, le conditionnement est une obligation. Peut-être que la petite border collie aurait ainsi pu échapper à sa camisole médicamenteuse… Evidemment, on ne force personne à adopter un malinois de travail, mais si un jour on se retrouve avec un tel chien, nul doute que les deux heures de promenades quotidiennes ne lui suffiront pas : c’est inscrit dans ses gènes, il a besoin de travailler, d’être guidé, occupé.
Refuser tout conditionnement ?
Certes, l’on peut refuser toute idée de conditionnement. Pourquoi ? Par antispécisme, parce qu’on ne veut pas asseoir son pouvoir sur un animal. Par rejet de toute forme d’esclavage, ou en réaction aux dérives que l’on peut observer (et regretter) dans l’univers cynophile.
De surcroît, tous les conditionnements ne sont pas favorables à l’animal. L’on peut sans hésiter soutenir que dans la grande majorité des cas, les conditionnements intensifs ne font plaisir qu’au propriétaire. Mais comment le savoir ?
Tout d’abord en se posant des questions simples : qui aime quoi ? Le jeu en vaut-il la chandelle ? Mon chien a-t-il besoin de « ça » pour être heureux, épanoui, tranquille ? Puis en observant son chien durant l’entraînement. Il a tendance à s’ébrouer, à bâiller, à se gratter, à manger l’herbe ou à renfiler intempestivement ? Autant de signaux d’apaisement qui indiquent son niveau de stress. Dans ce cas, plutôt que de s’énerver, de penser « compétition » ou « que vont dire les autres ? », autant respecter son chien et arrêter là la séance, voire l’activité elle-même. Combien de propriétaires se demandent comment faire redescendre le stress de leur chien après un parcours d’agility ? Et bien peut-être tout simplement en ne faisant plus d’agility ! En lui préférant des activités plus calmes comme la course à pied, la randonnée, des parties de jeu avec des congénères… Si votre chien se réfugie dans son panier dès que vous mettez votre tenue d’entraînement, c’est sans aucun doute qu’il aimerait faire tout autre chose. Pourquoi ne l’écouteriez-vous pas ?
Enfin, à quoi faut-il veiller si l’on souhaite malgré tout conditionner son animal ? L’on devra évidemment opter pour des méthodes positives. Idéalement le clicker training, qui fait appel à l’intelligence de l’animal et le rend acteur de son conditionnement. Le chien va réfléchir, et cela va le fatiguer. L’on sait en effet qu’une heure d’activité mentale équivaut à trois heures d’activité physique*. Idéal par temps de pluie !
Marie Perrin
- La domestication du chien est intervenue au Paléolithique
- Lire à ce sujet le livre de Dominique Guillo, Des chiens et des humains
- Source Joël Dehasse, Mon chien est heureux
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