Un chien qui aboie quand un intrus entre dans la propriété défend-il son territoire ? En marque-t-il les limites à chaque fois qu’il laisse son odeur en promenade ? Les spécialistes peinent à se mettre d’accord, et les avis sur la question divergent. Ce qui n’empêche pas, évidemment, de s’y intéresser afin de tenter d’y voir un peu plus clair.
La notion de territoire chez le
chien domestique divise les éthologues. Ainsi, si pour certains scientifiques,
le chien est forcément un animal territorial, pour d’autres cette apparente
évidence n’a pas été démontrée, et une analyse plus rigoureuse tendrait à
démontrer qu’il n’en est en fait rien.
Car en réalité, le chien
domestique est peu étudié en éthologie. Les scientifiques lui reprochent
précisément d’être familier de l’être humain,
donc en quelque sorte « dénaturé ». Mais les chiens marron ou
parias n’ont guère été plus observés. L’unique littérature bien documentée porte
donc sur les meutes de loups. Malheureusement, le chien qui vit à nos côtés n’a
plus rien d’un loup - en a-t-il même un jour été un ?
Un terme polysémique
Par ailleurs, le terme même de
« territoire » est polysémique : sa définition varie selon la
discipline qui l’étudie. Lorsque nous parlons du « territoire » d’un
chien de compagnie, que disons-nous en réalité ? De quel
« territoire » parlons-nous ?
Le Larousse le décrit
comme un « espace relativement
bien délimité que quelqu'un s'attribue et sur lequel il veut garder toute son
autorité ». Si l’on suit cette définition, le chien peut être perçu comme
un animal territorial, certains chiens étant très sourcilleux avec cet espace.
Aussitôt, surgit une autre question : s’agit-il réellement du territoire du
chien ? Le chien, par apprentissage et conditionnement, ne se
contente-t-il pas de faire sienne la propriété humaine ? Plutôt que de
parler de territoire, ne devrions-nous pas parler de ressource ? Envisager
la maison (l’appartement) et le bout de jardin comme une ressource parmi d’autres ?
Allons plus loin... en éthologie, le
territoire est un espace où l’individu
(ou le groupe) refuse l’intrusion d’un individu de la même espèce (ou parfois
seulement de la même espèce et du même sexe). Il induit du marquage, de la défense, des
comportements agressifs[].
L’important, ce qu’on doit retenir et souligner, c’est que ce territoire est intrinsèquement
lié à l’espèce. Un lion va chasser de son territoire tous les lions
étrangers, et marquer les limites de son espace pour leur indiquer qu’ils
entrent en zone réservée. En revanche, les individus des autres espèces
(humains, oiseaux, loups, peu importe) ne seront pas en aucun cas concernés par
cette exclusion.
Partant de là, le chien familier
devrait défendre son territoire contre les congénères, mais en aucun cas contre
les chats ou les facteurs. De la même façon, un territoire qui aurait été
délimité par un chien devrait être contourné par les autres chiens, sous peine
de se transformer en déclaration de guerre. Ce qui n’est, convenons-en, pas le
cas du tout. La plupart du temps, nos chiens se contentent de renifler les
dépôts de leurs congénères, d’y apposer (ou pas) leur odeur, avant de
poursuivre tranquillement leur petit bonhomme de chemin. Rappelons-le, uriner
ou déféquer sont des actes de communication : le chien dépose à l’intention des autres chiens des
informations sur son statut social et hormonal, son état de santé, son âge…
La notion de territoire, un fourre-tout bien
pratique
Par conformisme, par habitude, parce que
c’est ainsi que, depuis des décennies, l’on décrit le chien domestique, nombre
de « spécialistes » continuent pourtant à parler de la territorialité
du chien. C’est vrai qu’il est bien pratique de parler de marquage ou de
défense de territoire lorsqu’on ne sait pas comment décrypter des comportements
problématiques. Votre chien est agressif ? C’est parce qu’il est
territorial – territorialité, dominance et agressivité allant souvent de pair
dans l’inconscient collectif. Votre chien urine dans la maison ? C’est
parce qu’il marque son territoire. Et ainsi de suite…
Pourtant, aussi bien l’agressivité que les malpropretés
peuvent avoir de multiples causes. Ainsi, lorsqu’un chien urine
dans la maison, il veut avant tout faire passer un message. Par ce biais, il
peut exprimer son malaise, son mal-être, son incompréhension. Chien anxieux qui
se rassure. Chien leader qui réaffirme ses prérogatives. Il fait pipi certes,
parfois ostensiblement, mais il pourrait tout aussi bien mâchonner les
pantoufles, détruire le canapé, gratter la porte d’entrée ou mettre la cuisine
à sac. Avant de parler de territorialité, demandons-nous ce qui, dans la vie de
ce chien précisément, dysfonctionne et pose problème.
Enfin, certains spécialistes
émettent une hypothèse fort intéressante : certains chiens baliseraient
leur chemin en promenade... Petits Poucets du monde canin, ils sèmeraient ainsi
autant de petits cailloux odorants leur indiquant la voie à suivre pour réussir
à rentrer à la maison...
Marie Perrin
Je viens de découvrir votre blog, merci pour tous vos conseils judicieux.
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